Si vous avez un petit moment, faites-y un tour. Certes les restaurants et les actualités qui y sont présentés sont alsaciens mais, qui sait, peut être viendrez-vous un jour découvrir notre région...
Cette fois, je ne résiste pas à l'envie de vous faire lire une chronique qui va tout à fait dans le sens de ce que je pense mais, en plus, c'est tellement bien dit !!! Jugez par vous-même en lisant les extraits ci-dessous...
Oh, juste une petite précision, Daniel Zenner écrit des livres de cuisine, organise des démonstrations culinaires, des sorties botaniques... Vous en saurez d'avantage sur ce magnifique personnage en vous rendant sur son site : http://www.daniel-zenner.fr/cours.htm
Vous trouverez ses excellentes chronique sur le site de Julien Binz car ici, après ce petit hommage, en respect pour ses deux superbes sites, vous n'en trouverez plus.
Bref, encore un site que je vous invite à aller visiter directement. Bon, parlons peu et parlons bien, je vous laisse lire la suite...
***
"Lard plastique" par Daniel Zenner
Faut que je vous raconte… Il m’est arrivé dernièrement une aventure télévisuelle. Vous savez ? La télé, c’est ce truc plat devant lequel on se met assis, couché et devant lequel on s’endort souvent. Ça bouge, ça fait de la lumière et du bruit. Mais on apprend plein de choses.
J’avais le temps, un soir vers 22 heures. J’appuie sur le bouton magique de la télécommande et tombe sur des images d’hommes et de femmes en tenue de cuisinier. Voilà qui me sied. Apparemment, l’émission traitait de la cuisine de collectivité. La journaliste interroge des élèves d’un lycée hôtelier à la tenue propre et de rigueur, le tour de cou blanc immaculé cernant soigneusement…le cou. La plupart des jeunes interrogés ne voyaient aucun inconvénient à travailler en collectivité, même plutôt des avantages au niveau des horaires (35 h/semaine) des avantages et acquis sociaux (comité d’entreprise) et sécurité de l’emploi (fonctionnaire) Je n’ai pas entendu une seule fois ces jeunes parler du métier de cuisinier, évoquer une quelconque passion pour celui-ci, ou se réjouir de pouvoir exercer un art libre et créatif ouvert sur le monde, d’un métier passionnant et unique, qui donne du plaisir aux gens et qui dépasse de loin le simple fait de préparer de la nourriture pour alimenter les gens.
Puis vinrent des images insoutenables. Celles des « cuisines » d’un hôpital d’une grande ville. Les cuisiniers, pardon, les « préparateurs en denrées alimentaires à destination de la consommation humaine » sortent de leur carton des rôtis de porc sous-vide, qu’ils plongent dans un bain d’eau et de chlore afin de désinfecter le plastique. C’est vrai, je ne mens pas, promis ! Puis d’un geste assuré, ils tranchent le dessus d’un sac plastique de 15 kilos, duquel s’échappe un flot de légumes surgelés déjà trop cuits. L’ensemble retombe dans une vaste sauteuse en dégageant une fumée d’huile brûlée mêlée d’un panache de vapeur. De part et d’autre, des cosmonautes alimentaires s’activent, ouvrant boites géantes et sacs sous-vide, précipitant dans une casserole en inox rutilant -et fixée sur roulettes- ressemblant à une grande baignoire, de la poudre brune et des granulés blancs cassés. La préparation m’a fait penser aux solfatares de Pouzzoles, petite ville à côté de Naples, qui abrite nombre de résurgences volcaniques. Dans la marmite d’à côté, une large spatule automatique agitait, en de féroces bouillonnements, une masse brillante et épaisse, couleur caca d’oie, qui m’a fait de suite penser à un mortier à la chaux hydraulique. Un peu plus loin, un cosmonaute tranchait à l’aide d’une espèce de scie circulaire (avec toutes les protections et conformément au code du travail article 1458-z-365) un roulé de dinde (pardon, un produit élaboré à base de cartilages et de protéines d’os reconstitués et amalgamés de dindes industrielles nourries au soja transgénique et élevées en centre d’incarcération semi-disciplinaire, classé dans la catégorie VSM) coupe millimétrée, cuisson homogène parfaite, aspect mat légèrement doré sur le pourtour, du bon boulot.
Et maintenant les cosmonautes. De plastiques vêtus, de la tête aux pieds. Je vous promets, pas un poil ne pouvait tomber dans la purée reconstituée à base de lait UHT lyophilisé et de flocons de pommes de terre assaisonnés traités anti-germinatif et au Lindane. Bottes blanches, pantalon et veste plastifiés recouverts d’un tablier blanc en plastique fin. Charlotte sur la tête, masque sur la bouche et le nez, gants amidonnés couverts en parti par un manchon en plastique transparent assurant la liaison hygiénique entre le gant susnommé et la veste thermoformée.
Impossible de distinguer le sexe des cosmonautes alimentaires qui passent plusieurs heures par jour à cuisiner dans du plastique des denrées industrielles sorties du plastique. Mais, ils ne doivent pas trop transpirer, car les salles de préparations de matières alimentaires sont climatisées, séparées suivant leur fonction par des portes fermées par de larges rubans de matière plastique translucide. Dans une salle d’autopsie aux carrés blancs, des cosmonautes s’activaient à déposer dans des barquettes en plastique blanc et brillant une masse verte dans laquelle sombrait un bout de saucisse rose. Une machine recouvrait le tout d’un film polypropylène transparent.
Plusieurs réflexions me vinrent à l’esprit :
- La première : je ne veux jamais aller à l’hôpital ! Laissez-moi mourir dans mon lit, dans ma maison. Jusqu’au moment où je tomberai dans le coma, que mes amis gastronomes et cuisiniers m’apportent fines charcuteries et fromages de France, que soient mis dans mes perfusions, Gewurztraminer Vendanges Tardives de Binner et Condrieu Terrasse du Palat d’ Hervé Villard, que je déjeune de foie gras à la cuillère et de mortadelle de Comolli, de tomates mûries sur pied et de petits pois frais mitonnés « à la Française », que me soient administrés en intraveineuses forces bouillons de vieilles poules et consommés de queues de bœuf, que je dîne tant que mes forces le pourront de soupes de légumes frais et de yaourts bios.
- La seconde : une pensée pour ces jeunes de l’école hôtelière qui veulent aller travailler en collectivité. Quel est le prix à payer pour gagner sa vie ? Etre habillé de plastique de la tête aux pieds huit heures par jour, quatre jours par semaine ? Ouvrir des sacs plastiques de denrées industrielles insipides ?
-La troisième : merci Benoit Vix, chef de cuisine au centre Paul Strauss dont l’établissement Strasbourgeois accueille (pour combien de temps encore ?) les personnes cancéreuses en fin de vie. Au quotidien, il se bat pour cuisiner pour ses patients, car il est conscient du fait que le seul plaisir qu’il leur reste, c’est celui de mâcher doucement un petit morceau de veau marengo avec trois haricots verts frais. Car Benoit réceptionne chaque jour les cageots de légumes frais, cuisine encore et régale ses invités. Merci à toi Benoit.
-La quatrième : dans les « cuisines » des hôpitaux (entendez les salles dans lesquelles on traite les denrées alimentaires à destination de la consommation humaine) la guerre sans merci est déclarée aux microbes. C’est normal. Les fées « Antibiotique », « Désinfectante », « Stérilisée », « Sous-vide » activent leur baguette magique. La traque de l’agent pathogène est déclarée, l’angoisse liée au développement de E. coli est ouverte, la guerre chimique est effective, pas de quartier pour la sorcière Listeria.
Exit les risques de diarrhées ou de constipation.
Mais cette bouffe aseptisée, insipide et sans structure est réalisée à base des pires matières issues du génie des industriels de l’agro-alimentaire. Mais sur quel terrain se joue la santé ? Celui des bons produits frais bourrés de vitamines, d’oligo-éléments, de minéraux ? Celui de l’aliment attendu et dégusté avec plaisir ? Celui apprécié, lié aux souvenirs de l’enfance, peut être à la passion amoureuse ?
Bizarre… d’après les journalistes de l’émission et une étude récente, la grande majorité de personnes hospitalisées maigrissent considérablement durant leur séjour. La faute à la maladie sûrement mais beaucoup ne s’alimentent pas, tellement les repas sont peu appétissants, voir immangeables…
Puis vinrent des images insoutenables. Celles des « cuisines » d’un hôpital d’une grande ville. Les cuisiniers, pardon, les « préparateurs en denrées alimentaires à destination de la consommation humaine » sortent de leur carton des rôtis de porc sous-vide, qu’ils plongent dans un bain d’eau et de chlore afin de désinfecter le plastique. C’est vrai, je ne mens pas, promis ! Puis d’un geste assuré, ils tranchent le dessus d’un sac plastique de 15 kilos, duquel s’échappe un flot de légumes surgelés déjà trop cuits. L’ensemble retombe dans une vaste sauteuse en dégageant une fumée d’huile brûlée mêlée d’un panache de vapeur. De part et d’autre, des cosmonautes alimentaires s’activent, ouvrant boites géantes et sacs sous-vide, précipitant dans une casserole en inox rutilant -et fixée sur roulettes- ressemblant à une grande baignoire, de la poudre brune et des granulés blancs cassés. La préparation m’a fait penser aux solfatares de Pouzzoles, petite ville à côté de Naples, qui abrite nombre de résurgences volcaniques. Dans la marmite d’à côté, une large spatule automatique agitait, en de féroces bouillonnements, une masse brillante et épaisse, couleur caca d’oie, qui m’a fait de suite penser à un mortier à la chaux hydraulique. Un peu plus loin, un cosmonaute tranchait à l’aide d’une espèce de scie circulaire (avec toutes les protections et conformément au code du travail article 1458-z-365) un roulé de dinde (pardon, un produit élaboré à base de cartilages et de protéines d’os reconstitués et amalgamés de dindes industrielles nourries au soja transgénique et élevées en centre d’incarcération semi-disciplinaire, classé dans la catégorie VSM) coupe millimétrée, cuisson homogène parfaite, aspect mat légèrement doré sur le pourtour, du bon boulot.
Et maintenant les cosmonautes. De plastiques vêtus, de la tête aux pieds. Je vous promets, pas un poil ne pouvait tomber dans la purée reconstituée à base de lait UHT lyophilisé et de flocons de pommes de terre assaisonnés traités anti-germinatif et au Lindane. Bottes blanches, pantalon et veste plastifiés recouverts d’un tablier blanc en plastique fin. Charlotte sur la tête, masque sur la bouche et le nez, gants amidonnés couverts en parti par un manchon en plastique transparent assurant la liaison hygiénique entre le gant susnommé et la veste thermoformée.
Impossible de distinguer le sexe des cosmonautes alimentaires qui passent plusieurs heures par jour à cuisiner dans du plastique des denrées industrielles sorties du plastique. Mais, ils ne doivent pas trop transpirer, car les salles de préparations de matières alimentaires sont climatisées, séparées suivant leur fonction par des portes fermées par de larges rubans de matière plastique translucide. Dans une salle d’autopsie aux carrés blancs, des cosmonautes s’activaient à déposer dans des barquettes en plastique blanc et brillant une masse verte dans laquelle sombrait un bout de saucisse rose. Une machine recouvrait le tout d’un film polypropylène transparent.
Plusieurs réflexions me vinrent à l’esprit :
- La première : je ne veux jamais aller à l’hôpital ! Laissez-moi mourir dans mon lit, dans ma maison. Jusqu’au moment où je tomberai dans le coma, que mes amis gastronomes et cuisiniers m’apportent fines charcuteries et fromages de France, que soient mis dans mes perfusions, Gewurztraminer Vendanges Tardives de Binner et Condrieu Terrasse du Palat d’ Hervé Villard, que je déjeune de foie gras à la cuillère et de mortadelle de Comolli, de tomates mûries sur pied et de petits pois frais mitonnés « à la Française », que me soient administrés en intraveineuses forces bouillons de vieilles poules et consommés de queues de bœuf, que je dîne tant que mes forces le pourront de soupes de légumes frais et de yaourts bios.
- La seconde : une pensée pour ces jeunes de l’école hôtelière qui veulent aller travailler en collectivité. Quel est le prix à payer pour gagner sa vie ? Etre habillé de plastique de la tête aux pieds huit heures par jour, quatre jours par semaine ? Ouvrir des sacs plastiques de denrées industrielles insipides ?
-La troisième : merci Benoit Vix, chef de cuisine au centre Paul Strauss dont l’établissement Strasbourgeois accueille (pour combien de temps encore ?) les personnes cancéreuses en fin de vie. Au quotidien, il se bat pour cuisiner pour ses patients, car il est conscient du fait que le seul plaisir qu’il leur reste, c’est celui de mâcher doucement un petit morceau de veau marengo avec trois haricots verts frais. Car Benoit réceptionne chaque jour les cageots de légumes frais, cuisine encore et régale ses invités. Merci à toi Benoit.
-La quatrième : dans les « cuisines » des hôpitaux (entendez les salles dans lesquelles on traite les denrées alimentaires à destination de la consommation humaine) la guerre sans merci est déclarée aux microbes. C’est normal. Les fées « Antibiotique », « Désinfectante », « Stérilisée », « Sous-vide » activent leur baguette magique. La traque de l’agent pathogène est déclarée, l’angoisse liée au développement de E. coli est ouverte, la guerre chimique est effective, pas de quartier pour la sorcière Listeria.
Exit les risques de diarrhées ou de constipation.
Mais cette bouffe aseptisée, insipide et sans structure est réalisée à base des pires matières issues du génie des industriels de l’agro-alimentaire. Mais sur quel terrain se joue la santé ? Celui des bons produits frais bourrés de vitamines, d’oligo-éléments, de minéraux ? Celui de l’aliment attendu et dégusté avec plaisir ? Celui apprécié, lié aux souvenirs de l’enfance, peut être à la passion amoureuse ?
Bizarre… d’après les journalistes de l’émission et une étude récente, la grande majorité de personnes hospitalisées maigrissent considérablement durant leur séjour. La faute à la maladie sûrement mais beaucoup ne s’alimentent pas, tellement les repas sont peu appétissants, voir immangeables…
Suite de la chronique : http://www.julienbinz.com/Lard-plastique-par-Daniel-Zenner_a3171.html
Allez vraiment la lire, il y en a pour les cantines, les restauroutes... J'applaudis des deux mains. Merci Monsieur Zenner !
Allez vraiment la lire, il y en a pour les cantines, les restauroutes... J'applaudis des deux mains. Merci Monsieur Zenner !
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